L’histoire des nations se lit souvent à travers les choix cruciaux qui jalonnent leur trajectoire. Ces choix ne concernent pas seulement les individus, mais surtout les institutions et les valeurs collectives qui orientent la marche du peuple vers son destin. Le Bénin, pays de traditions démocratiques reconnues en Afrique de l’Ouest, n’échappe pas à cette réalité.
Depuis l’avènement du renouveau démocratique en 1990, il a été un laboratoire politique, admiré pour la vitalité de son pluralisme, mais critiqué pour l’instabilité chronique de ses alliances et la fragmentation incessante de ses forces politiques. Aujourd’hui, avec la désignation de Wadagni Romuald comme candidat de la mouvance présidentielle, un tournant semble amorcé. Ce choix dépasse l’événement d’un matin du 31 août 2025. Il symbolise l’entrée du Bénin dans une ère nouvelle, où la maturité politique et la discipline partisane l’emportent enfin sur les querelles intestines et les ambitions personnelles. Pour comprendre la portée de cette décision, il faut revenir sur les fragilités historiques du système partisan béninois, observer leur résonance africaine, et enfin mesurer la profondeur de ce qui s’annonce comme une véritable révolution politique, ou comme on peut dire, un nouveau départ.
1. Une constante historique : l’éparpillement des candidatures
Depuis les temps anciens du Dahomey jusqu’au Bénin contemporain, l’histoire politique nationale porte les stigmates d’une constante : l’incapacité récurrente des partis politiques à s’accorder sur un candidat unique à l’élection présidentielle. Déjà, sous la Première République, les luttes de leadership entre les grandes figures régionales empêchaient toute cohésion durable. Les ambitions personnelles prenaient le pas sur l’intérêt général, fragilisant ainsi toute perspective d’unité nationale. Dans les décennies suivantes, chaque échéance présidentielle a vu renaître cette fragmentation.
Avec le renouveau démocratique de 1990, l’espoir d’une maturité politique collective a été rapidement rattrapé par les réalités. Certains ont pu dire que la situation s’est aggravée. En effet, la mouvance au pouvoir n’avait pu s’entendre sur un candidat consensuel en 1991, ouvrant ainsi la voie au duel historique entre les présidents Nicéphore Soglo et Mathieu Kérékou. Cinq ans plus tard, en 1996, le même scénario se répéta, malgré les discours officiels en faveur de l’unité. Les divisions internes avaient encore éclaté au grand jour, malgré la volonté affichée de se présenter en bloc. En 2006, la multiplication des candidatures de la mouvance fut si prononcée qu’elle a conduit à favoriser l’émergence d’un outsider, le président Boni Yayi, dont la victoire symbolisait l’échec de la discipline collective. Plus récemment, en 2016, l’impossibilité de désigner un candidat unique a encore illustré cette difficulté structurelle : les querelles intestines et la méfiance mutuelle ont empêché la mouvance d’incarner une vision unifiée. Une fois encore, le travers historique s’est illustré offrant la voie à un sauveteur. Au fil des décennies, le Bénin a ainsi payé le prix fort de sa fragmentation politique: frustrations populaires, perte de confiance progressive envers la classe politique, alternances imposées par défaut. C’est ainsi qu’on peut lire l’histoire politique depuis jusqu’aux dernières échéances marquées par le régime de la rupture et du nouveau départ avec le président Patrice Talon.
2. Une réalité africaine déjà dénoncée
La fragmentation politique ne concerne pas seulement le Bénin. Elle traduit un phénomène plus vaste, observé dans de nombreux pays africains et dénoncé par plusieurs acteurs. L’histoire abonde en exemples de situations où les querelles intestines ont ouvert la voie à des pouvoirs populistes, installés non par conviction mais par défaut. Le politique Bruno Amoussou, soulignait d’ailleurs avec lucidité dans son ouvrage L’Afrique est mon combat, notamment au chapitre 3 (Les luttes de libération s’intensifient) combien les acteurs politiques du continent restent prisonniers des logiques de prestige individuel, des rivalités de personnes et des ambitions régionales. En effet, au lieu de se hisser à la hauteur des enjeux collectifs, trop de leaders se laissent guider par le désir d’exister individuellement sur la scène électorale. Ce comportement a toujours fragilisé les systèmes partisans et nourri des alternances souvent dictées par le rejet d’un camp divisé plutôt que par l’adhésion à un projet de société collectif.
3. Le choix de Romuald Wadagni, un tournant historique
La désignation de l’actuel Ministre des Finances et de la Coopération, Romuald Wadagni, ce dimanche 31 août 2025 marque une rupture profonde avec l’histoire politique présentée plus haut. Pour la première fois, la mouvance a choisi la voie de la cohérence, de la responsabilité et de l’unité. Ce choix témoigne que le système partisan, engagé par les réformes récentes, est enfin en marche. Il met fin à la kyrielle de candidatures éparses, ainsi qu’à la pratique de l’«importation » de candidats hors des partis politiques, donc inconnus du peuple et des arènes politiques. Le choix actuel consacre celui d’un moment historique, qui dépasse la personne de Romuald Wadagni. Il incarne la maturation d’une culture politique nouvelle, où l’intérêt collectif prend le pas sur les ambitions individuelles. C’est un signal fort : le Bénin avance, le Bénin se discipline, le Bénin se construit. À ce tournant décisif, il convient de saluer la clairvoyance des acteurs politiques, du Nord au Sud, du Centre, de l’Est à l’Ouest, qui ont su dépasser leurs intérêts personnels pour s’accorder sur ce choix historique. Leur responsabilité collective mérite la reconnaissance de toute la nation et celle du leadership imprimé par le Président de la République Patrice Talon. Car, c’est ensemble qu’ils ont permis à ce consensus d’émerger.
4. Un appel à cohésion nationale et à la responsabilité
L’appel est clair et digne d’intérêt. Au-delà des appartenances et des sensibilités, il est temps pour toutes les filles et tous les fils de ce pays de se rassembler. Il est temps de tourner la page des divisions stériles et d’écrire, ensemble, celle d’une démocratie plus responsable et plus solide. Romuald Wadagni n’est pas seulement le candidat de la mouvance : il est aujourd’hui le symbole d’un consensus à construire, d’une stabilité à préserver, d’un avenir commun à inventer.
Le peuple béninois est désormais face à son destin. Il lui appartient de transformer cet élan en une victoire commune, non pas pour un homme, mais pour une nation entière. Car, au fond, ce qui est en jeu dépasse une échéance électorale. C’est le devenir du système partisan, la stabilité institutionnelle et la crédibilité démocratique du Bénin qui se jouent dans ce choix. L’histoire nous regarde. Sachons lui donner un visage digne de notre maturité politique.
Peuple béninois, unissons-nous autour de ce choix de Romuald Wadagni, une opportunité du peuple.
Dr François ZINSOU, Consultant, expert en Gestion de projet, Formation, et Capitalisation. zinsfranc@yahoo.fr