C’est sans langue de bois et dans une franchise qu’on lui connait que le président du tout nouveau parti politique Le Libéral, Richard Boni Ouorou s’est exprimé sur plusieurs sujets d’intérêt commun. C’était au cours d’un entretien exclusif accordé à Canal 3 Bénin ce mercredi. De la ligne idéologique et du projet de société du Libéral à l’organisation de l’opposition en passant par le bilan du Président Patrice Talon et la réforme du système partisan, le politologue n’a rien occulté à travers des analyses claires et objectives.
Une offre politique « totalement différente »
Richard Boni Ouorou a tenu à clarifier les fondements idéologiques de son mouvement. À ceux qui associent Le Libéral à un modèle importé, il répond sans ambiguïté : « Je n’ai aucune prétention de porter un précepte occidental au Bénin. Je parle de libéralisme adapté à nos réalités ». Selon lui, le libéralisme n’est pas un concept nouveau, encore moins une importation du Canada. « Nous n’avons pas la même culture et encore moins la même maturité économique et politique. Mais nous pouvons partir du libéralisme occidental pour l’adapter à nos réalités afin qu’il puisse générer un bien pour le peuple béninois », a-t-il expliqué, avant d’exposer les priorités de son parti « c’est d’engager un débat sur la question économique et par extension sur la question de l’emploi. Comment nous concevons l’emploi dans notre pays. Il est temps que l’emploi cesse d’être une question pour être une solution. Comment est-ce que l’Etat crée de l’emploi mais protège aussi l’emploi. Nous voulons avoir un Etat protecteur. Et ça passe aussi sur des questions économiques. Quelle orientation nous donnons à notre économie. Bien évidemment, Patrice Talon a fait un petit bout ces dernières années. On ne peut pas lui dénier cela. Notre pays est devenu attractif pour les emprunts, la dette ».
Élections générales de 2026, Le Libéral sera au rendez-vous
Les élections générales de 2026 ne se feront pas sans le parti Le Libéral, a laissé entendre le président « Quand on crée un parti politique, c’est pourquoi ? c’est pour affronter le vote populaire et intégrer les institutions. C’est notre rôle. Nous serons à toutes les élections. Richard Boni Ouorou sera candidat si le parti décide. Le parti ce n’est pas moi. Ce sont tous les sympathisants, le bureau politique. Je ne peux pas passer au-dessus et dire je suis candidat. Je suis président du parti mais je ne suis pas encore candidat du parti », a indiqué Richard Boni Ouorou.
Aucune alliance avec Les Démocrates en vue
La rupture est nette avec le principal parti d’opposition. À ceux qui s’attendaient à voir une convergence entre Le Libéral et Les Démocrates, Richard Boni Ouorou répond sans ambiguïté : « Je n’entends pas traiter avec Les Démocrates si les choses demeurent telles qu’elles sont ». Il critique certaines initiatives du parti de Boni Yayi, comme la messe organisée en faveur des détenus et exilés politiques, qu’il qualifie d’actes de communication symbolique : « Ils laissent de côté les débats sérieux pour les ‘m’as-tu-vu’ ». Il déplore également ce qu’il considère comme une hypocrisie politique maquillée derrière le clivage Yayi-Talon, estimant que cela détourne des vrais enjeux de fond « Nous ne sommes pas venus accompagner les autres dans leur guerre. Nous sommes venus apporter un débat sérieux sur l’échiquier politique », a lâché le politologue.
Un regard lucide sur le bilan de Patrice Talon
Sur le terrain du bilan gouvernemental, le président du Libéral choisit la nuance. «Il y a une économie qui se veut dynamique, mais la croissance n’est pas équilibrée », observe-t-il. Il reconnaît les avancées dans le secteur du coton et du tourisme, et salue certains efforts du gouvernement. Mais pour lui, tout n’est pas rose. Il reste du travail à faire sur la représentativité, la justice sociale et l’inclusion économique. Un diagnostic mesuré, loin de l’opposition frontale ou de l’alignement complaisant.
Réforme du système partisan : un désaccord sur la méthode et le fond
La réforme du système partisan ? Richard Boni Ouorou ne mâche pas ses mots : « On ne peut pas réformer une théorie par une réforme ». Il rejette l’approche actuelle, qu’il juge incomplète et injuste. À ses yeux, le texte en vigueur marginalise certaines forces politiques et bride les initiatives citoyennes. «Une réforme telle qu’elle est et qui met en périphérie d’autres mouvements est à reprendre totalement, sur la forme et sur le fond », tranche-t-il.
Le code électoral, lui aussi, en prend pour son grade. Le président du Libéral s’insurge notamment contre le seuil de 20 % pour accéder à la répartition des sièges, qu’il considère comme irréaliste. « Les statistiques sont claires », dit-il, appelant à un débat constructif pour revoir ce texte dans une démarche de consensus : « Il faut susciter la confiance, pas l’étouffer », relève-t-il.
Libertés syndicales : une inquiétude partagée
Richard Boni Ouorou a également évoqué les restrictions des libertés syndicales, un phénomène qu’il estime ancien. « Est-ce que nous avions été toujours en démocratie ? », s’interroge-t-il. Il se refuse à faire de Patrice Talon le seul responsable. Pour lui, « les problèmes de restriction des libertés ont été constatés sous le régime de Boni Yayi ». Il cite l’exemple de l’arrestation du SG de la CSTB Kassa Mampo pour rappeler que Le Libéral reste attentif à toute dérive. « Nous avons tout de suite dit qu’il fallait faire un communiqué pour alerter sur ces genres de dérives. Mais nous avions appris fort heureusement quelques heures après qu’ils ont été relâchés>>, relate-t-il, avant de nuancer « nous ne marchons pas à l’émotion, même si sur des questions de libertés, nous avons beaucoup à reprocher à Patrice Talon, cela ne veut pas dire sur toutes les questions, il faut sauter automatiquement. Nous savons prendre des décisions au pied du mur de l’exemple. Nous ne prenons pas des décisions sur lesquelles, nous allons nous retarder pour dire après, excusez-nous».
Richard Boni Ouorou conclut en appelant à une refondation de l’espace politique : « Pour mettre fin à la restriction des libertés, il faut évincer des débats politiques toutes les personnes qui ont perdu toute notion de politique responsable. Sortir les luttes personnelles et mettre un système politique au service des intérêts de la nation ». Une position qui s’inscrit dans la ligne de son discours, entre critique des dérives et appel au renouveau.